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Entretien du 10/05/12
Pierre Clive Agius
Ambassadeur de Malte en France

Malte a découvert l'immigration avec l'Union européenne

 La crise économique

Cercle des Européens: Comment jugez-vous l'Union européenne face à cette crise de la zone euro ?

S.E.M. Pierre Clive Agius: On va sortir de cette crise avec un euro qui appartient plus aux Européens, qui va encore évoluer mais qui sort renforcé. Face à cette crise, il fallait faire quelque chose. L'Europe s'est montrée très inventive et les Etats se sont mis ensemble pour trouver des solutions. Celles-ci sont d'abord économiques et ensuite ont concerné l'évolution de l'euro. On commence déjà à voir les résultats de nos réformes avec plus de confiance en nous. C'est déjà un plus je crois.

Cercle des Européens: Le couple franco-allemand a été très présent dans cette crise... trop ?

S.E.M. Pierre Clive Agius: C'était "organique" que l'Allemagne et la France prenne le leadership. Cela ne veut pas dire que mon pays, le plus petit de l'Union européenne, ne pouvait pas s'exprimer, au contraire. Grâce à cela, mon pays pouvait s'exprimer et faire des propositions. Malte a été écouté et a contribué dans cette discussion à faire évoluer l'euro.

Cercle des Européens: Comment a été perçue la crise sur votre île ?

S.E.M. Pierre Clive Agius: Mon pays n'a pas vraiment senti la crise jusqu'à maintenant. Nous avons un système bancaire très réglementé et très conservateur aussi, ce qui nous a protégé. Aucune banque maltaise n'a été mise en faillite et le gouvernement n'a jamais eu besoin de nationaliser une banque ou de mettre de l'argent dedans, au contraire. Actuellement, nous avons le quatrième taux de chômage le plus bas de l'Europe. Même si nous avons peu de croissance, nous sommes attentifs, notamment à nos dépenses publiques.

Cercle des Européens: Le discours "anti-euro" est-il à la mode également à Malte ?

S.E.M. Pierre Clive Agius: Dans les années 70, Malte avait changé de système monétaire pour passer de la Livre anglaise à celle maltaise. Je me rappelle mes parents disant que le changement de monnaie avait fait augmenter le coût de la vie. En fait, il y a toujours cette perception psychologique que les prix augmentent. C'est vrai sur certains prix mais on ne regarde pas l'efficacité amenée par l'euro. On oublie souvent ce qui nous coûtait beaucoup d'argent: avant les toursites français venant à Malte devaient changer leur argent et payer des commissions à chaque fois par exemple. Il y a tellement d'éléments qu'on met de côté et qui nous empêchent d'émettre un avis objectif...

Le soutien pour l'Union européenne est très fort, parmi les plus important en Europe aujourd'hui. C'est un retournement de situation car ce n'était pas du tout le cas avant: le référendum n'a été gagné que par quelques points... mais cela avait déjà été le cas pour le référendum sur l'indépendance. Actuellement, ce soutien est de l'ordre de 75% de la population, même avec la crise actuelle.

L'immigration

Cercle des Européens: Malte est une porte d'entrée de l'immigration en Europe...

S.E.M. Pierre Clive Agius: L'immigration est un grand défi pour nous. Malte est la dernière terre européenne avant l'Afrique. Devons-nous nous considérer comme une frontière ou un pont avec le monde arabe ? Je préfère choisir l'image du pont, plus positive. La question de l'immigration est un phénomène directement lié à notre adhésion à l'Union européenne. Nous n'avons commencé à voir arriver des bâteaux remplis d'immigrés sur nos côtes à partir de cette adhésion. Malte reçoit dans les 2000 migants par an. Cela peut sembler peu mais notre territoire ne représente que 300.000 km2. Si on transposait ce chiffre à l'Allemagne, cela donnerait 120.000 personnes qui arriverait par an !

C'est une question complexe car les immigrés ne veulent pas venir à Malte spécifiquement. Mais du fait de nos obligations européennes, nous devons les garder sur notre sol alors que les migrants souhaitent quitter notre île pour aller dans le reste de l'Europe. Des fois, ils s'échappent de Malte et s'il sont trouvés en France, ils sont renvoyés chez nous, ce qui est normal. Nous faisons notre travail au mieux. Dans nos centres de rétentions, nous étudions chaque dossier pour voir s'ils méritent leur demande d'asile mais ce n'est pas toujours facile à déterminer. Surtout que nous n'avons pas les ressources humaines pour ça.

Cercle des Européens: Le dialogue avec les autres pays européens est-il facile sur cette question ?

S.E.M. Pierre Clive Agius: Il y a plusieurs pays, particulièrement au nord, qui n'ont pas la volonté politique de comprendre notre situation. Des fois, on est un peu déçu. Ce n'est pas le cas avec la France, un partenaire solide qui nous aide beaucoup. Tout comme la Commission qui a lancé un projet pilote sur cette question pour nous aider à partager le poids lourd de ce dossier. Certains de nos partenaires européens résistent et refusent de participer à la solidarité européenne malheureusement pour notre pays.

Le travail d'Ambassadeur

Cercle des Européens: Quelles sont vos missions en tant qu'Ambassadeur de Malte à Paris ?

S.E.M. Pierre Clive Agius: Mon premièr défi est de faire comprendre Malte à la France. Mon pays est connu d'abord pour ses chevaliers de l'Ordre de Malte puis pour son tourisme. Politiquement, nous ne sommes pas assez connus. Nous sommes considérés comme un simple voisin de l'Italie ou alors comme une ancienne colonie britannique avec la langue et l'administration anglaise. On oublie Malte la française... Notre capitale s'appelle La Valette car elle a été créée par un Français. On dit bonojur ou bonsoir dans notre langue.

Cercle des Européens: Quels sont les principaux échanges économiques entre Malte et la France ?

S.E.M. Pierre Clive Agius: Le tourisme est très important pour Malte, la part française est la troisième derrière le Royaume-Uni et l'Allemagne, passant devant l'Italie. Le tourisme reste une priorité pour nous. Mais Malte doit être considéré également comme un centre de production très important dans la Méditerranée. Notre économie est tournée vers l'industrie du service. Notre production est dirigée vers des niches. Nous devons être très spécialisés du fait de la taille de notre pays.

Le Service Européen d'Action Extérieure

Cercle des Européens: Que pensez-vous de la mise en place du Service Européen d'Action Extérieure ?

S.E.M. Pierre Clive Agius: Il faut vraiment lui laisser un peu de temps. Il est très jeune. Tout jugement  ne doit avoir lieu seulement après quelques années. Néanmoins, je trouve que l'Union européenne doit avoir son corps diplomatique car elle est un des plus grands contributeurs financiers dans le monde, même dans le développement. C'est un bloc puissant économiquement. Mais quand l'Union européenne vient dans certaines négociations, je trouve que les résultats ne sont pas en lien avec sa puissance.

Cercle des Européens: Aurons-nous un jour un service diplomatique européen remplaçant toutes nos diplomaties nationales ?

S.E.M. Pierre Clive Agius: L'Union européenne d'aujourd'hui n'est pas celle d'il y a vingt ans. Ce sera pareil pour le corps diplomatique européen. Une fois que nous aurons une ambition plus grande, cela va arriver. En attendant, les pays garderont leurs corps diplomatiques nationaux.


 

Informations sur Pierre Clive Agius
M. Pierre Clive Agius est né à Malte le 21 Septembre 1965. M. Agius fait ses études secondaires au Séminaire Mineur Archevêques à Malte. Il passe sa maîtrise en études diplomatiques à l'Académie méditerranéenne d'études diplomatiques à Malte en 1994 et 1995. Sa thèse est intitulée "A la recherche de la paix et la sécurité en Europe". M. Agius a obtenu également un diplôme d'études supérieures en gestion de l'environnement en 1994.

C'est un diplomate de carrière. Il a rejoint le Ministère des Affaires étrangères en 1993 en tant que premier secrétaire. En 1995, il est transféré à Paris pour sa première affectation en tant que premier secrétaire. En 1999, il est affecté à Genève, en Suisse, à la Mission permanente de Malte auprès de l'Office des Nations Unies et d'autres organisations internationales. Au cours de cette période, il a également servi comme consul général de Malte ayant juridiction sur les cantons suisses de Berne, Fribourg, Vaud, et le Jura. En 2000, il passe conseiller.

A son retour à La Valette en 2002, M. AGius devient conseiller diplomatique auprès du président de Malte Guide de Marco jusqu'à l'été 2004. Il part ensuite à Vienne, en Autriche en tant que chef de mission adjoint à la Mission permanente de Malte auprès de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), l'Organisation des Nations Unies (ONU), l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et d'autres organisations internationales. En Décembre 2007, il est nommé Envoyé spécial de Malte auprès de la présidence slovène de l'Union européenne à Ljubljana, en Slovénie puis devient Ambassadeur de Malte auprès du Royaume de Belgique en Décembre 2008. Il devient Ambassadeur de son pays en France en 2012.

M. Agius parle couramment le maltais, l'anglais, l'italien et français et a une bonne connaissance de la langue slovène et l'arabe.
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