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Entretien du 13/10/10
Pierre Mongin
Président-Directeur Général de la RATP

Le transport urbain est un des secteurs qui répond le mieux aux trois priorités de la stratégie Europe 2020

 La stratégie Europe 2020 répond-elle selon vous aux défis économiques et sociaux auxquels l’Union européenne doit faire face au sortir de la crise et dans un contexte de compétition mondiale accrue ?

"Europe 2020" définit clairement les trois défis que l’Union doit relever si elle veut peser dans le contexte de la mondialisation : l’innovation, car il est impératif que nous rattrapions un retard récurrent en matière de Recherche & Développement par rapport aux Etats-Unis et au continent asiatique ; le développement durable, car l’Europe ne doit pas perdre un réel leadership en la matière ; l’inclusion sociale, car l’opinion publique est dans l’attente d’une action forte en ce domaine à la suite des graves dérives mises au jour par la crise financière.

La précédente stratégie de Lisbonne était intelligente, audacieuse. Elle fixait de bons objectifs, qu’ « Europe 2020 » reprend en grande partie. Mais elle a abouti à un échec car elle n’était pas assez enracinée dans la réalité. Elle manquait d’éléments suffisamment concrets, des nécessaires leviers d’action pour atteindre ces objectifs.

La nouvelle stratégie Europe 2020 évite cet écueil. La "politique industrielle" n’est plus on mot tabou, elle devient même une des "initiatives-phares" de la stratégie. L’économie numérique est hissée au rang de priorité, comme le développement des transports "décarbonés" qui est, pour la première fois, nommément cité.

Il reste maintenant à vérifier l’application de ces préceptes par les Etats membres. Cela a été aussi la grande carence de la Stratégie de Lisbonne, faute d’objectifs contraignants dans la plupart des cas… Il est prévu que la Commission européenne publie chaque année un rapport annuel sur le déroulement de la stratégie Europe 2020 et émette des recommandations ou des avertissements politiques en cas de non respect des objectifs. Il faut respecter cette méthode.

Quelles opportunités représente le secteur des transports pour l’économie européenne ?

Le transport urbain est un des secteurs qui répond le mieux aux trois priorités de la stratégie Europe 2020 : compétitivité territoriale et innovation, protection de l’environnement et cohésion sociale.

L’effort d’innovation est indispensable pour un secteur qui se développe très rapidement sur le plan international, et dont le marché global représente d’ores et déjà près de 340 milliards d’euros. A la RATP, nos 1 200 ingénieurs travaillent continûment sur de nouvelles solutions de transport. Nous sommes ainsi leader mondial en matière de métro automatique. Il nous faut également innover en termes de service, et nous cherchons des solutions inédites, en partenariat avec d’autres entreprises, pour faire de nos espaces multimodaux de véritables lieux de vie. Le transport public est donc un levier d’innovation à la fois pour l’industrie et pour le secteur tertiaire.

Le lien entre innovation et développement durable est évident. N’oublions pas qu’aujourd’hui, le trafic routier urbain est responsable de 40% des émissions de CO2 et de 70% des autres polluants en Europe. Le coût de la congestion urbaine pour les 27 Etats membres est estimé à 106 milliards d’euros en 2010 ! Améliorer le transport public urbain, par nature durable, doit donc être un objectif majeur pour l’Union européenne, notamment si elle veut garder son leadership en matière de fixation d’objectifs de réduction des émissions de CO2. La RATP participe tous les jours à ce combat : à titre d’exemple, notre réseau de métro permet d’économiser l’équivalent des émissions annuelles de CO2 d’une ville de 150.000 habitants.

Enfin, le lien social est au cœur de notre métier. L’impact positif d’un réseau dense et efficace de transports publics pour un aménagement équilibré du territoire, pour la desserte de quartiers enclavés n’est plus à prouver. De plus, le transport urbain permet d’offrir un grand nombre d’emplois peu qualifiés et "non délocalisables", ce qui est un élément majeur de lutte contre l’exclusion dans les quartiers fragiles. A la RATP, nous sommes le deuxième employeur d’Ile-de-France, avec une politique clairement affirmée d’égalité des chances, mise en œuvre par une procédure de CV anonyme.

L’Union européenne fait-elle suffisamment pour le financement des infrastructures de transport, notamment de transport urbain ?

Je viens de parler de priorités politiques européennes, clairement énoncées dans la stratégie 2020. Le secteur du transport public urbain les vit au jour le jour. A mes yeux, il est logique que les priorités budgétaires de l’Union européenne répondent à ses priorités politiques !

C’est pourquoi, avec mes collègues du Groupe des Grandes Métropoles, qui réunit les opérateurs publics de transport de 13 grandes villes européennes, nous allons faire des propositions concrètes pour un financement accru du transport urbain, au moment où s’ouvrent les discussions sur les Perspectives Financières de l’Union européenne pour la période 2014-2020. Le transport urbain ne doit pas être le chaînon manquant de la politique européenne des transports !

Pourquoi ne pas rééquilibrer les fonds structurels vers le transport urbain des grandes agglomérations, avec une enveloppe accrue pour les extensions de lignes dans les quartiers défavorisés ?

Pourquoi ne pas compléter le Réseau TransEuropéen de Transport par le début et la fin la fin du voyage ? Les réseaux ferroviaires à grande vitesse débutent et s’achèvent dans les villes, où ils doivent être relayés par un transport urbain moderne, intermodal, accessible, fréquent, respectueux de l’environnement.

Autant de pistes que nous allons soumettre à l’examen de la Commission européenne et du Parlement européen.

Comment la RATP se prépare-t-elle à l’ouverture à la concurrence de son périmètre historique (bus, tramway, métro) dans le cadre du règlement européen relatif aux services publics de transport (règlement OSP), entré en vigueur le 3 décembre 2009 ?

Je dois tout d’abord dire que la France est incontestablement le bon élève du règlement OSP. Dès le 8 décembre 2009, la loi ORTF a mis en place pour l’Ile-de-France une mise en concurrence immédiate pour toutes les nouvelles lignes de transport, tous modes confondus, sans la période de transition de 10 ans autorisée par le règlement européen.

En pleine conformité avec le texte européen, une transition est par contre prévue pour les réseaux existants à compter de l’entrée en vigueur du règlement, en raison du poids des investissements et de la dette dont ils sont à l’origine. Cette transition, identique pour tous les opérateurs d’Ile-de-France s’achèvera dans quatorze ans pour le réseau bus (2024), dix-neuf ans pour le réseau tramway (2029) et vingt-neuf ans pour les réseaux métro et RER (2039). Ces délais sécurisent l’exploitation de la RATP pendant cette période et lui laisse le temps nécessaire pour préparer cette mutation et s’adapter économiquement.

La loi ORTF clarifie également les responsabilités. Elle attribue la propriété et la gestion des infrastructures à la RATP, qui devra maintenir en état de fonctionnement le système de transport pour garantir la continuité du service public. Cette mission de gestionnaire d’infrastructures, désormais clairement identifiée, permettra de favoriser la concurrence en supprimant des barrières à l’entrée trop lourdes, compte tenu de la dette portée par le gestionnaire d’infrastructures. Bien entendu, un accès non discriminatoire à l’infrastructure de transport sera garanti.

Enfin, la loi ORTF confère à l’autorité organisatrice la propriété des matériels roulants. Le STIF dispose désormais des moyens nécessaires à l’exploitation, ce qui lui permettra de mettre à disposition de l’opérateur sélectionné le matériel roulant, support de l’exécution des services de transport.

La RATP est donc déjà entrée dans l’ère de la concurrence, et elle se prépare sereinement aux évolutions à venir. C’est la condition absolue du choix fait par l’Etat, l’entreprise et notre autorité organisatrice, le STIF : celui d’être challengé à terme sur notre périmètre historique, mais aussi d’être challenger en France, en Europe et à l’international, où nous pouvons faire valoir notre expertise et les nombreux atouts d’une entreprise intégrée (ingénierie, exploitation et maintenance).

Depuis quelques années, la RATP se développe hors de France. Votre stratégie de développement est-elle plus orientée vers le marché européen ou international ?

Notre ambition est de suivre un développement rentable qui nous permette d’atteindre notre objectif ambitieux mais réaliste : intégrer le top 5 du marché mondial. Notre stratégie répond à la logique des 3P. Logique qui n’oppose pas le marché européen au marché international bien au contraire.

Le premier "p", correspond à une stratégie Pays. Le marché européen avec la France et l’Italie est une de nos cibles prioritaires. La récupération des actifs de Transdev et de Véolia va nous permettre de nous positionner sur le marché anglais. Mais nous avons également créé une structure aux Etats-Unis qui assure notre développement sur le marché américain.

Le second "p" correspond à une stratégie Projet. C’est ce qui a guidé, par exemple, notre investissement dans la réalisation du projet Gautrain, train le plus rapide d’Afrique mis en service pour la Coupe du monde de football en juin dernier. Mais c’est ce qui nous a conduit également à participer à la réalisation et à la mise en service du tramway de Florence. Ou bien encore d’être partie prenante au projet de métro de Dublin.

Enfin le troisième "p" est celui de Partenariat. C’est par la création d’une joint-venture avec Veolia Transport que nous avons choisi d’aborder le marché à très forte croissance qu’est le marché asiatique.

L’Europe est donc pour nous un marché particulièrement porteur. Les atouts que constituent une monnaie unique et la convergence des régulations sont indéniables et le rendent très attractif. Cependant d’autres marchés de qualité nous intéressent.


 

Informations sur Pierre Mongin
Président-directeur général de la RATP depuis juillet 2006, Pierre Mongin a fait l’essentiel de sa carrière dans l’administration préfectorale et les cabinets ministériels. Avant de rejoindre la RATP, il était de Directeur de Cabinet de Dominique De Villepin au Ministère de l’Intérieur (2004) puis à Matignon (2005). Il a également été chef de cabinet d’Edouard Balladur, Premier Ministre, de 1993 à 1995. Entre 1995 et 2004, Pierre Mongin a été préfet d'Eure-et-Loir, du Vaucluse, de la région Auvergne et du Puy-de-Dôme.
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